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Narcisse en Lunigiana
vendredi 11 avril 2014
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Un coin de terre s’étend en Emilia-Toscana-Liguria ; c’est la Lunigiana, magnifique terroir riche d’histoire et de traditions, qui tire son nom de la lune. Les itinéraires médiévaux de la route Francigena la traversent en suivant le cours du fleuve Magra. Parsemées dans cette ravissante vallée à la végétation luxuriante, on trouve à chaque pas les vestiges d’une ancienne civilisation : les silhouettes austères d’innombrables châteaux, la plupart ramenant à la noble famille Malaspina del Ramo fiorito (Malépine au branche fleuri, un nom qui est un programme !), d’anciennes murailles renfermant des bourg médiévaux, des forteresses, des églises romanes ; les statues stèles, idoles en pierre-guerriers et femmes aux traits puissants-érigés à l’orée de routes et pâturages, qui remontent à 2000 ans avant JC sont les témoins mystérieux de cette antique civilisation.

En ce territoire entre mer et montagne, quand les cloches des bourgs sonnent le midi, ensorcelé par une atmosphère rigoureusement moyenâgeuse, on se laisse tenter par la gourmandise en dégustant, dans les « trattorie », les anciens plats à base de miel, huile, fromages, châtaignes, tourtes d’herbes sauvages (borragine, orties, ronces, houblon, chicorée, primevères , violettes), ou des préparations cuites dans les « testi » en fonte, comme il y a mille ans, arrosés du Candia, Vermentino, Malvasia, Trebbiano, ou, plus à la spartiate, on prend soin de son propre bien-être en buvant les eaux minérales qui jaillissent de nombreuses sources alimentant cascades, sonores torrents, fontaines, lavoirs, piscines et centres thermaux.

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L’écrin de quatre parcs naturels régionaux renferme une variété inouïe de fleurs et de plantes rares : fougères , bruyères, orchidées fleurissent à l’ombre des hêtres et des châtaigniers, tandis que légumes fragrants, oignons, basilic, tomates, haricots poussent dans des potagers bien rangés caressés par la brise marine.

Au printemps prairies, pâturages, tourbières, se blanchissent de narcisses sauvages. En ce territoire traversé par la magie et les mythes se dresse Villa « La Pescigola », vieille de 600 ans. Son parc, parsemé de fontaines, bassins (Pescigola/Peschiera= vivier, donne son nom au lieu), statues et grotesques, où 200.000 narcisses ont recrée le vieux labyrinthe et les broderies d’autrefois, a offert un écrin parfait à la conférence « Narcisse, histoire d’un regard », un hommage très apprécié à 55 heureux membres de « La Sorgiva » de part de Raffaele Giannetti, partenaire de la Fondazione Tagliolini de S. Quirico, un de nombreux avantages (grands !) du Projet Grundtvig.

Après l’émouvante lecture par Angela Marchetti de la métamorphose de Narcisse (Ovidio, Metamorfosi), ont suivi les interprétations originales et palpitantes du mythe de Narcisse que, au moins en abstract, on vaudrait partager avec les amis absents

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Narcisse : histoire d’un regard et d’un refus

Où l’on dit de Narcisse et de sa métamorphose en fleur, selon le conte ovidien. Il s’agit d’une histoire de reflets, d’échos, de miroirs-régurgitations métaphoriques- qui est liée à la pharmacopée de la fleur de narcisse.

La première question : quelles sont les analogies entre le jeune Narcisse et sa fleur ? Il faut dire, d’abord, que les métamorphoses des mythes sont toujours la représentation d’un monde premier, avant la civilisation, dans lequel les différences entre les hommes, les animaux, les plantes ou les pierres, et même entre le masculin et le féminin ne sont pas encore définies : le monde du mythe est chaotique, magmatique et asexué. Ainsi, quand on parle de Narcisse aimé des garçons, il ne faut pas penser- comme certains savants aiment l’écrire- à la coutume antique de l’amour homosexuel, mais seulement à un monde encore fluide et continu, qui ne connait pas encore la séparation entre les différents genres des animaux et des hommes. Seulement là, les relations analogiques entre les hommes et les plantes se peuvent montrer d’une manière cohérente.

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L’histoire du Narcisse ovidien- qui dérive de la tradition grecque- est fondée sur une splendide association entre la vue et l’ouïe. En effet, Narcisse, qui représente la réflexion du regard, et la nymphe Echo, qui représente la réflexion auditive, portent aux extrêmes conséquences l’incapacité de communiquer : le message de tous les deux n’arrive pas au destinataire, mais se replie sur l’envoyeur lui-même. Le mythe sert à indiquer aux citoyens les risques et les périls du solipsisme et de la barbarie sauvage. Echo et Narcisse sont complémentaires, car ils surgissent d’une solitude qui n’est pas encore « civilisée », Into the wild.

En même temps, la nymphe symbolise la négation de soi, pendant que le jeune Narcisse, très beau et dédaigneux, symbolise l’extrême égoïsme : analogie et polarité.

Mais quelle est la correspondance entre Narcisse et la fleur ? Il faut rappeler ici que la vertu de la fleur comme narcotique est contestable (Carnoy). Ses liens avec la « torpeur » (grec narke) deviennent donc trop faible.

Mais cette histoire nous parle toujours du préfixe re- : reflet (du regard et de l’ouïe), refus (de l’amour) et, si nous regardons l’utilisation thérapeutique de la plante, rejet.

Le narcisse, dans les herbiers, est une plante essentiellement vomitoire !

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